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Qu'est-ce qui fait une bonne photo?

En voilà une bonne question.

Le plus simple est de demander à un spécialiste.

Interrogeons Martin Parr, producteur anglais d'images iconiques.

“Comment prendre une bonne photo, je ne sais toujours pas, j'y travaille encore, tous les jours, à essayer de découvrir le secret éternel”.

Bon, tu nous aides pas là, Martin.

Les images qui illustrent l'article sont de Martin Parr.

Il ajoute:

“Ce n'est pas facile de comprendre comment fonctionne une bonne photo et d'imaginer à quoi ça ressemble, mais tu le sais quand tu la vois.”

Okay.

On ne sait pas si la photo sera réussie au moment de la faire. Mais on le sait une fois l'image sous les yeux.

La bonne photo apparaîtrait alors comme une évidence.

Qu'est-ce qui déclenche cette évidence?

J'ai identifié 3 facteurs.

C'est le sujet du jour.

Dans le mail aujourd'hui :

1. Capte l'attention

2. Stimule le cerveau

3. Touche le coeur

1. Capte l'attention 👀

Jamais le monde n'aura autant croulé sous les images. Et ce sera pire demain.

Une photo doit capter l'attention en quelques fractions de secondes.

Pour cela, l'aspect formel de l'image est essentiel.

Par aspect formel, j'entends une bonne composition, une lumière intéressante, des couleurs étonnantes, des trucs de ce genre.

Tout ce qui fait que vous trouvez belle une image. Évidemment, la beauté est propre au goût de chacun.

Un goût qui se situe sur un continuum allant de coucher de soleil à pissotière de gare.

Regardez cette image.

On est loin du sunset là.

Tous les éléments que l'on est censés voir s'agencent bien dans le cadre:

• La jeune fille concentrée sur son bidon de ketchup au premier plan.

• Les morceaux d'oignon collés sur le présentoir en contreplaqué.

• Et tous les gens des classes populaires qui attendent leur tour dans un snack plein.

L'aspect formel n'a de sens que s'il est au service d'un sujet.

L'image, parfaitement lisible, montre ici un contexte et un sujet.

La pause déj de la classe populaire anglaise pendant l'été dans les années 1980.

Tous ces éléments attirent l'attention et nous engagent dans l'image.

2. Stimule le cerveau 🧠

Une photo engageante donne envie de la regarder attentivement.

Regardez celle-ci.

La photo présente un contexte identique à celui de la précédente.

Elle nous incite à imaginer.

Un avant :

• La barquette de frites a-t-elle été achetée dans le même snack que la photo précédente?

• Pourquoi la poussette est-elle stationnée sur les détritus?

Et un après :

• L'enfant qui minaude acceptera-t-elle la bouchée de son père?

• La mère déposera-t-elle sa barquette sur la poubelle pleine une fois le repas terminé?

• La famille repartira-t-elle avec la Citroën BX immatriculée FBG572Y garée au fond?

Que des questions sans réponses.

L'image produit des effets narratifs dans nos têtes.

Qui peuvent perdurer longtemps après l'avoir vue.

C'est souvent le signe d'une bonne photo.

Vous pouvez faire l'exercice avec cette image. Qu'imaginez-vous?

3. Touche le coeur ❤️

Parfois une photo nous touche sans que l'on sache pourquoi.

Ça me rappelle le Studium et le Punctum, deux concepts développés par le philosophe Roland Barthes dans La Chambre claire (1980).

Je vous en parle rapidement. (promis ce ne sera pas relou)

Dans le livre, Barthes parle de la photographie d'un point de vue philosophique et émotionnel.

Il se demande pourquoi certaines photos nous touchent plus que d'autres.

Une photo nous attire pour des choses évidentes. Des éléments de composition, des couleurs, des personnes, un contexte, un sujet.

Tout ce qui forme l'image et qui la rend compréhensible.

C'est ce que Barthes appelle le Studium.

C'est ce qui capte l'attention de manière superficielle.

Mais il dit que certaines photos contiennent un petit détail qui nous touche profondément.

Cela peut être un regard, un objet particulier, quelque chose qui évoque un souvenir personnel, quelque chose qui nous fait ressentir une émotion intense.

Cela dépend de qui l'on est, un individu unique avec ses propres expériences et sa propre sensibilité.

Parfois même, il est difficile de mettre des mots sur ce quelque chose.

C'est ce que Barthes appelle le Punctum.

Regardez cette image.

Toujours le même contexte que précédemment.

Je suis touché par le regard de la marchande de glaces. Je ressens son désespoir face à cette armée de gamins.

Pour réussir ce genre d'image, il faut un peu de chance bien sûr.

Il faut surtout avoir une intention. Pour que l'image montre la relation exclusive que vous avez avec votre sujet.

En d'autres termes, il faut que l'on sente que la photo a été prise par vous et pas par n'importe qui.

Vous pouvez faire l'exercice avec cette image. Que ressentez-vous?

Conclusion

Voici une dernière citation de Martin Parr qui donne du grain à moudre.

“C’est très difficile de dire ce qui fait une bonne photo mais il doit y avoir une intention derrière, une contradiction, une certaine ambiguïté, et aussi une bonne construction dans l’image.

Elle doit attirer l’oeil du spectateur et, idéalement, lui donner matière à réfléchir, ou même le bousculer.

Il doit y avoir un 2^ème niveau de lecture.”

C'est un peu mystérieux et c'est tant mieux. J'ajouterais qu'une photo est bonne quand elle est plus intéressante que son sujet. Débrouillez-vous avec ça.

🫧 Et pour vous, c'est quoi une bonne photo ?

Dites-le moi en répondant à ce mail.

Pour aller plus loin :

Les photos de l'article sont tirées de The Last Resort (1986) de Martin Parr.

Les citations sont extraites de ces 2 vidéos:

• Comment prendre une bonne photo, selon Martin Parr ( ici en vostfr)

• Martin Parr's Advice to Young Photographers (là en vo)

Merci de m'avoir lu jusqu'au bout.

Prenez soin de vous.

À jeudi prochain,

Antoine