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Comment je suis tombé amoureux de la photographie
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Sociologie du dancefloor ou comment je suis tombé amoureux de la photographie

Temps de lecture : 5 min

Têtard dit : « T’as appuyé, mec ? »

Ouais, je réponds, en examinant son visage soulagé d’avoir rompu le silence.

Guiguite lance sans conviction : « Y a combien de temps ? »

Deux minutes, je dis sans réfléchir, fixant la sonnette puis la porte d’entrée sur laquelle est écrit « tenue correcte exigée, la direction se réserve le droit d’entrée. »

Silence.

Un sombre samedi soir semblable au précédent à attendre que des videurs arrêtent de nous laisser volontairement attendre. On sait très bien qu’il n’y a personne dans votre boîte de mort.

L’arrivée d’un autre groupe de trois hommes focalise l'attention. Deux groupes d’hommes devant un établissement ayant autorisation de servir de l'alcool après deux heures du matin, c’est pas de bol.

Chacun en est conscient, il n'y aura qu’un élu.

Le rituel démarre à l’ouverture de la porte.

L'article s'accompagne d'une playlist.

Elle reprend la séquence classique d'une soirée dans n'importe quelle commune.

Du bar de début de soirée avec le titre Chevalier Ricard du duo post-punk Gwendoline.

Puis le rituel de la boîte de nuit où l'on hésite souvent à vouloir tomber amoureux ou tuer des gens.

Pour finir, le retour souvent flou avec le titre Princesse Voiture de Sexy Sushi.

Les images illustrant l'article sont de moi et datent de 2011.

Entrer.

Avril 2009, Soissons, Picardie.

Le gros videur de l'Éclipse apparaît.

Visage fermé pour se conformer à l’image qu’on se fait d’un videur. Apparence dure pour impressionner les candidats. Regard laser du type qui a un droit de vie ou de mort sur autrui.

Il fait semblant de ne voir personne. Fier comme s'il possédait un magasin multimarques en centre-ville.

Son rôle est de juger sur pièce les gens, flairer les trouble-fêtes et repérer où est l’argent.

Un jeu de hasard qui repose sur des critères supposés de pouvoir d’achat et de comportement.

À sa gauche, Têtard, 22 ans, chemise noire à larges rayures violettes, jean délavé, chaussures pointues noires. Ivresse apparente, 5 sur 10 (euphorie évidente).

Guiguite, 28 ans, chemisette blanche, inscription en relief « rebel spirit », jean délavé, chaussures pointues noires. Ivresse apparente, 2 sur 10, en réalité 7 ou 8 (ce type est une véritable éponge).

Moi, 25 ans, t-shirt monochrome, pantalon sombre, sneakers blanches. Ivresse apparente, 4 sur 10 (en contrĂ´le, regard morne).

À sa droite, trois ados de 40 ans venus des villages alentours. Polos sur muscu de mongole, jeans délavés, chaussures pointues noires. Ivresse apparente, 6 sur 10, voire 8 pour l'un d'eux (rires sans filtre, gestes hasardeux).

De part et d’autre, le code vestimentaire est respecté, exception faite de mes baskets blanches, vrai point noir, en principe rédhibitoire. Avantage pour eux.

L’intuition qui consiste à présumer le pouvoir d’achat selon l’âge est ici sans fondement, tant il n’est pas à exclure que tout le monde soit au chômage. Match nul.

Langage corporel nettement à notre avantage. Pas évident de ne pas paraître trop déchiré quand on l’est vraiment. Évidemment, le corps fonctionne comme un langage par lequel, on est parlé, plutôt qu’on ne le parle.

Par un simple geste de la tĂŞte, le videur nous valide.

Nous, heureux élus, pénétrons sans un mot dans un long couloir, métaphore de la sélection, malgré la protestation des damnés, dont la seule case à jouer à présent consiste à rouler jusqu’à leur bled paumé, si possible sans se tuer.

Boire.

Vers le bar, je salue un type que je connais de vue. Je suis défoncé comme un terrain de manœuvre, il dit en balbutiant à mon oreille.

Je le vois, pas la peine de le préciser, je lui dis d’un ton un peu désinvolte.

Seul dieu peut me juger, il dit, l’air étonnamment sérieux.

Têtard me demande si une bouteille de vodka ça me va. Guiguite, le seul qui bosse, sort un billet de plus que les autres. Têtard demande si du jus d’orange et du jus de pomme avec la vodka ça nous va.

Sous la lumière blafarde du bar, deux femmes identiques - blondes, tops motif strass, jeans délavés, ongles customisés - boivent une coupe de champagne.

Les filles de 30 ans sont les plus faciles à choper, souffle une voix derrière moi.

Je me retourne et me retrouve face au turc qui tient le magasin de costumes multimarques dans le centre-ville. La quarantaine, crâne lisse du matin, costume blanc et chemise à fleurs, du bide et des bras.

Je lui demande pourquoi. Passés 30 ans, il me dit, elles ont connu une grosse déception amoureuse. Et elles sont désespérées, et elles veulent s’éclater.

Je le regarde et une seule chose me vient à l’esprit. Son costume à la Miami Vice va bien avec la fresque murale derrière, représentant des palmiers sous un ciel constellé.

Une serveuse s’agite avec notre bouteille de Smirnoff, l’air affolé, autour d’hommes en quête d’alcool et d’un peu d’attention.

Assis sur une banquette, je bois des verres de vodka, silencieux. Des filles que je connais de vue, vont et viennent.

À l’une d’elles vêtue d’une jupe en jean délavé, je dis, l’ostentation économique s’observe ici par l’achat de bouteilles d’alcool de basse qualité.

Sans réponse de sa part, je poursuis, de plus en plus ivre. Ici comme ailleurs, il est admis, voire encouragé que les groupes masculins offrent des verres d’alcool à plusieurs filles en échange de leur compagnie, non ?

Je ne suis pas d’accord, elle dit, en détournant le regard, visiblement peu encline à argumenter.

La bouteille terminée, je me lève tandis que Rihanna chante « I wanna take you away, let’s escape into the music. »

Danser.

Musique sans satisfaction, la piste est pleine de gens. Presque tous s’ennuient, presque tous essaient de montrer qu’ils s’amusent.

Des mecs très jeunes se caricaturent pour ne pas paraître ridicules. Tout sauf se prendre au sérieux. L’un d’eux voit dans le mouvement relativement neutre d’une fille un signe d’ouverture. Il se colle à elle, obligeant la fille à se rabattre sur sa copine.

Une jeune femme qui pourrait être belle délivre un sourire un peu trop subtil à un jeune homme intéressé par une fille un peu trop vulgaire. 

Chacun cherche frénétiquement quelqu’un des yeux. Des mecs qui cherchent des filles. Des vieux qui cherchent des jeunes. Des jeunes qui cherchent des jeux.

Sur le podium, deux filles s’amusent du désir des hommes et de la jalousie de celles incapables de s’exhiber. Elles miment un déhanchement sexuel, un type s’immobilise sur la piste, ne prenant plus la peine de danser. Son regard fout les jetons. Il pourrait très bien avoir envie de les baiser ou de les tuer.

La violence des rapports entre les hommes et les femmes n’est jamais aussi palpable que dans une boîte de nuit, je me dis, passablement foutu.

Au fond, un videur soulève un type plus que ivre. Un instant, je crois reconnaître mon frère sans en être convaincu.

Lumière rouge les yeux fermés, j’ai envie de chialer. Jamais ne s’arrêtent ces voix dans la tête. Des corps prostrés, des visages terrifiés, scandent mon nom, scandent mon nom.

Sortir.

Je m’apprête à quitter le lieu quand une grande brune aux yeux de chat m’aborde. Elle me parle de solitude et de rêves étranges. Elle dit qu’elle tombe amoureuse les jours pairs et qu’elle a envie de mourir les jours impairs. Elle dit que les gens qu’on rencontre à cette heure ne sont pas vraiment ceux qui comptent mais que ça fait rien. Elle dit qu’elle aime prendre en photo ses amis. Elle dit qu’elle aimerait bien me revoir.

Accompagnement :

Parlez-moi de votre photographie et de ce qui vous bloque dans votre pratique, je peux vous aider.

RĂ©pondez Ă  ces quelques questions et je vous recontacte.

Que vous a inspiré cet article ? Dites-moi.

N'hésitez pas à transférer ce mail à celles et ceux qui pourraient être intéressés.

Bonne fin de semaine.

Ă€ jeudi prochain.

Antoine

PS : Il n'y a pas eu de mail la semaine dernière à cause d'une grosse intoxication alimentaire.



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Antoine Zabajewski, 49, Rue du Bois, 92000 Nanterre, France


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